lundi 2 mai 2016

J’aurais aimé être un émigrant







O Dieu, j’aurais aimé être un émigrant,
comme ceux du siècle dernier
qui s’en allaient vers cet autre terre,
ou tout était possible, ou tout était si neuf.
Découvrir ces forêts immenses, ces déserts sans fin,
ces villes balbutiantes mais déjà grouillantes de tant de vie ;
et puis trouver un endroit si loin,
un endroit si beau,
où j’aurais pu attendre doucement la fin,
à regarder les couchers de soleil
sans me demander de quoi serait fait demain.

O Dieu, j’aurais aimé être un émigrant,
comme ceux du siècle prochain,
et m’envoler là haut vers ces terres nouvelles
dans de grandes nefs d’argent.
Courir derrière les étoiles
et puis trouver une planète au coin d’un soleil.
Une planète si belle
comme la terre avant,
et là attendre la fin
à regarder courir les comètes
sans me demander de quoi serait fait le siècle prochain.

O Dieu, j’aurais aimé être un émigrant,
un conquérant de terres lointaines,
mais tu ne m’as laissé que l’océan à contempler pour rêver,
que les étoiles à admirer pour pleurer.
Tu ne m’as laissé que les vagues qui m’appellent
et les galaxies qui me tendent leurs bras de poussières qui scintillent.
O Dieu, j’aurais aimé être un émigrant
plutôt que tout l’ennui de cette vie.
J’ai besoin de sentir de nouveaux vents,
J’ai besoin de vivre une autre histoire.

Robert Trebor - 1972

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