A Nos romanciers féminins,
à Monsieur Alexandre Dumas
LA FEMME ANGE
L'Homme-Femme - La Femme-Homme
L'Homme-Femme - La Femme-Homme
par l'auteur de la Société d'amour pur
VI
C'est encore un ouvrier dont il s'agit ici, et, comme dans le précédent roman, cet ouvrier se permet d'aimer en haut lieu. — Une belle dame sans doute? — Oui certes, une très grande dame, une religieuse, épouse du Seigneur, qui devient épouse de l'homme, de l'ouvrier, la puissance du jour.
Celle qui sait plus que tout autre qu'il est plus avantageux de ne pas se marier que de se marier, à moins que l'on ne brûle; que le mariage est surtout un remède pour ceux qui ne peuvent garder la continence ; celle qui sait, du grand apôtre, que la Vierge s'occupe des choses relatives au Seigneur, et la femme de son mari pour lui plaire; celle qui a été prévenue de toute ancienneté, du faible appui qu'offrent le bras de chair et les narines qui respirent ; celle qui a pu méditer sur ces paroles étonnantes que, des pierres même Dieu peut faire naître des enfants de chair à Abraham; celle enfin qui sait tout. cela et bien d'autres choses encore, se décide pourtant, grâce au grand pouvoir de l'amour, à susciter lignée à l'ouvrier en lui livrant son corps, ce temple de l'Esprit comme du saint amour. Elle quitte le couvent pour l'homme.
Adieu l'extase de l'Esprit pour l'extase de l'homme, lui restant pour compte le plus souvent, et rarement partagée.
Adieu la cellule discrète, minimum de liberté,— pour la chambre de l'ouvrier, étroite aussi, — c'est le seul point de ressemblance, — et qui, si l'on n'y veille, se peuplera bientôt, confusément, jusqu'à l'extrême.
Il faudra bien s'entendre alors, ma soeur, avec le nouveau confesseur que vous avez choisi, sur bien des points d'une casuistique nouvelle dont on vous instruira. Le mariage a tant d'intérêts à concilier avec ceux du plaisir, et, comme ailleurs, la grande industrie de l'amour s'est étendue si loin !
Bonne chance, ma soeur, mais sachez que la femme, en tout soumise à son mari, n'a guère à discuter. Dans les entraînements regrettés de l'amour, en pleine liberté, l'homme était roi, mais... dans le mariage il est Pape : ainsi le veut la loi.
L'ouvrier, lui, savait à tel point ces choses, qu'un reste de respect l'empêchait de prétendre à la main de la vierge remise en liberté. C'est elle qui veut l'homme. — Que ferait une femme, même une religieuse, chez nos auteurs féminins, de la liberté, de l'amour?..
On le voit, c'est encore un renversement dont Raïssa nous a donné l'exemple, et qui s'explique de la même façon, et le grand talent de l'auteur a su rivaliser, en
ce tour d'équilibre, en ces saturnales de l'esprit, avec l'heureux émule désigné.
Qu'il est beau, n'est-ce pas, et qu'il est grand surtout, devoir la femme se soumettre à l'homme Pape et Roi,— le trône et l'autel réunis,—parla puissance de l'attrait, du seul attrait qu'il porte en soi, et qu'il exerce partout où daigne se montrer sa Majesté, sa Sainteté, pourvue du sceptre souverain qu'il tient de la nature ! ! !
Amour, tu perdis Troie...
nous disait le poète. Nos chers auteurs féminins, eux, viennent tout sauver par l'amour, même les religieuses, dont le salut est assuré par la maternité, le rang d'épouse et la famille.
Nous n'avons pas lu ce roman, nous l'avouons, et nous comptons bien réparer, le talent de l'auteur l'exige. Mais sa donnée nous a sufli pour en voir toute la portée.
C'est un exemple, assurément, que l'auteur prétend nous offrir. Il fait suite au Bleuet, que nous avions si fort loué pour ses pensées sur l'amitié et son sujet,
acheminant à d'autres, à ne pas s'y méprendre
Quelle chute, grand Dieu l et que volontiers sur nos vitres nous écririons, pour ne plus jamais l'effacer :
Souvent femme varie,
Bien fol est qui s'y lie.
Ici, il n'en est rien, c'est une trahison, c'est une chute impardonnable, que saint Paul reproche en reprenant certains disciples qui, ayant commencé par l'Esprit, finissent, hélas ! par la chair.
Mépriser l'ouvrier, — nous? Non pas, Madame. Nous soutenons ses droits, nous embrassons sa cause, nous voulons son instruction, des loisirs pour ses facultés.
Ses profits nous enchantent, et nous attendons avec lui, de l'association, le gain définitif de tous ses intérêts unis.
Mais la femme, la religieuse, ne saurons-nous qu'en faire, en cet ordre nouveau, et n'y a t-il donc qu'à la donner en proie à l'homme, à l'ouvrier? Le monde sera t-il parfait si l'ouvrier, doublé d'une religieuse, a fait dans les couvents sa révolution, — la dernière bien sûr, — en en retirant les victimes ? — Non, certes, et la preuve, c'est que l'amour ne s'y prêtera pas. Vous avez beau
nous donner un exemple, il reste un exemple hors de sens.
Prendre en cette façon pitié des religieuses est une insulte bien grossière à la femme et à Dieu...
Le temps vient où, sortant de l'arche, — mal commode et prison, où le déluge de colère et les eaux de corruption les tenaient enfermées, —- les religieuses reviendront. Pin. de vœux, les portes ouvertes; c'était là l'origine et ce sera la fin; la réforme s'accomplira.
Mais il ne faut pas s'y méprendre, ces âmes-là, Madame, n'auront rien oublié des ordres de leur Dieu, qui sera bien le même et mettra ses lois en leur coeur.
— Elles n'auront pas à reproduire une race déchue, doublement corrompue, et livrée aux secrets de Dieu.
S'en charge qui voudra, Messieurs : payez vos ouvrières, qui d'ailleurs ne vous manquent pas. Faites-leur des dots, au lieu de les leur prendre, ou leur pauvre
gain personnel, pour payer vos plaisirs et pour fuir le toit conjugal. Prenez garde surtout que leurs produits n'aillent droit à la guerre, ou aux maisons de joie, ou
que, nouvelles Pénélopes, tonneau des Danaïdes, l'horreur ne les saisisse et le désespoir qui la suit.
Devançant l'heure, il vous appartenait, Madame, de nous peindre quelque colombe lâchée de l'arche ou s'échappant, qui vient juger de la hauteur des eaux.
C'était un beau sujet, mais non pas d'introduire en l'arche celui qui viendrait là pour ravir la colombe et pour la noyer, avec lui et quelques rejetons, dans les
eaux débordées du déluge existant.
Refaites le roman pour que l'on vous pardonne, Madame ; souvenez-vous de l'amitié, votre sujet, qui reviendra sur terre quand la désolation, qui pleure une
race perdue, laissera place à la promesse désignant une race sainte pour consoler la terre.
L'amitié vous portait bonheur, le succès du Bleuet le prouve, et malgré mainte invraisemblance, le3 femmes vous en savaient gré. C'était, depuis longtemps, la seule tentative en faveur de cette déesse en exil, à la mort condamnée par le tyran lui-même, flétrie aux yeux des courtisans et même aux yeux de tous.
Pauvre amitié ! Quelle cause, madame ! et qui n'eût désiré du génie, du talent, pour l'embrasser et pour la servir avec vous !
Mais, vous aussi, timide et , après un premier pas tenté en sa faveur, vous désertez sa cause.
Un poëte l'a dit en parlant d'aujourd'hui : l'amitié est un mythe, et nos romanciers l'ont prouvé. C'est à qui chargera sa tombe d'épitaphes annonçant sa mort, mais sans aucun regret... Et que pourrait-on regretter! L'a- mour tient lieu de tout, qu'elle repose en paix : l'amour continue son commerce.
Ah ! comme analogie, sa cause était perdue, de notre temps, car l'amitié c'était la femme, et l'amour, c'est l'homme.
Or, la femme n'est plus, nous l'avons bien prouvé. Par la chasteté, la pudeur, la femme n'est plus dans la femme, l'homme en a pris la place, et l'homme se voit
"Vous la reconnaîtrez sans peine à cette marque"
Un auteur nous l'a dit dans un roman fameux, et il nous l'a prouvé : les déviations d'amitié, ce sont les attentats de l'homme envers la femme qui s'abandonne en tout à son amour... Détournons nos regards.
Si c'était par l'intelligence, ce don du Saint-Esprit, que la femme fût homme, nous aurions à nous réjouir, mais l'esprit se déprave quand il n'est plus uni aux vertus primordiales, à la source du vrai bonheur. — Aussi, où en est l'amitié?
Elle a sombré, la chose est accomplie. — A qui la faute ? La faute est à l'amour. — A quel amour? C'est à l'amour du sexe, l'amour libre désordonné. — Com-
ment régénérer l'amour ? — Par le retrait de ce qui fit sa perte, ce point certain qu'on ne peut méconnaître, qui a tout asservi, tout souillé, tout détruit, et qui s'est imité lui-même, étendant ses annexions jusqu'à l'indignité.
Rejeter le sexe en amour, c'est à ce prix qu'on reverra la femme, la FEMME-ANGE pour lors, plus forte que la femme et portant en son cœur l'amitié et l'amour, tous les deux réunis, tous deux régénérés, tous deux ne faisant qu'un dans une même chair. — C'est le Nord, le Midi, l'aquilon qui foudroie te serpent venimeux, le sirocco qui abat l'ours. Ce sont les couleurs, les nuances,
l'arc-en-ciel rassurant, le passif et Y actif, préservant l'amitié, régénérant l'amour, les rendant innocents, aimables, chauds, mais sans nous brûler, froids, pour nous retremper, tempérés pour nous laisser libres.
Telle sera la femme en sa triple nature : homme par l'Esprit-Saint, le don d'intelligence; femme, par le coeur pur ; et ange, par le corps, ce temple de l'Esprit, ce temple de l'amour : telle est la création nouvelle. — Bien des signes l'annoncent, et l'un d'entre eux surtout.
Pourquoi faut-il que là encore la femme laisse à l'homme de nous le révéler ? .
Depuis longtemps, mesdames, vous auriez dû le voir et vous en inspirer, au lieu de nous tromper et d'oublier tant de victimes pour venir rendre hommage au tyran déjà détrôné.
Où est donc cet arrêt, et quel est l'homme élu que Dieu choisit pour le signifier ?
Cet arrêt, — et l'homme choisi nous en a fourni les preuves, — il s'inscrit de lui-même en la constitution qui ne faillira pas, — la constitution nouvelle de la femme, — et l'homme mis à part pour nous le révéler, s'intitule l'Ami des femmes. Allons à lui pour le féliciter.
Chapitre V
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