A Nos romanciers féminins,
à Monsieur Alexandre Dumas
LA FEMME ANGE
L'Homme-Femme - La Femme-Homme
L'Homme-Femme - La Femme-Homme
par l'auteur de la Société d'amour pur
IV
Nous avons vu nos Virginies modernes, et nous avons pu remonter aux causes de la disparition de leurs vertus virginales, grâce au roman révélateur qui nous les a fait connaître.
Il nous reste à voir nos anges, ces créations célestes qui peuvent s'incarner parmi nous, et qui parfois ont frayé avec les hommes.
En voici deux, sous la forme de deux jeunes filles, liées d'une étroite amitié qui se forma sous des voûtes sacrées, parmi des vierges protégées du monde par le cloître. L'amour et ses expériences n'ont pas été le sujet des enseignements que reçurent les jeunes filles : non, à tort peut-être. Mais l'amour jouant encore un si triste rôle dans le monde, il faut peu s'étonner de son exil du couvent, en attendant, ce qui est à craindre, la révolte des sujets outragés contre ce roi usurpateur.
Les vertus des saints, leur cause, ont suppléé à cette lacune, toutefois, et l'exemple d'Agnès et de tant d'autres n'a point passé inaperçu pour les jeunes filles : il a dû en rester quelque empreinte en leurs cœurs. Aussi la congrégation des anges, au couvent, les a toutes deux accueillies dans son sein.
Elles savent le trait prédominant des anges : faire la volonté de Dieu, suivre sa loi et ses préceptes,
mettre à la tête des vertus la chasteté, vertu primordiale si fort exposée dans les épreuves de la vie.
C'est à sa garde surtout que les bons anges furent préposés dans leurs services envers les hommes, la chute des anges, probablement, ayant eu quelque intime rapport avec celle de la race humaine.
Les jeunes filles quittent le couvent en se jurant une amitié fidèle, et des deux anges, inégaux par leur position dans le monde, le plus puissant devra protéger l'autre comme il en était au couvent.
Ce roman, de même que le précédent, et tu peux t'en convaincre, amie, s'ouvre par un début charmant qui donnait lieu à de grands caractères, à des enseignements nouveaux : voyons si l'auteur aura tenu parole.
Voici d'abord des achoppements, auxquels ne devraient pas se heurter des anges, qui doivent bien avoir quelque mission spéciale. Je veux parler de mille mailles du réseau de la vie des jeunes filles, où s'empêtre leur amitié, quand elle n'y est pas étouffée. L'auteur, qui pouvait choisir, pour les deux anges incarnés, nous devait des positions telles que l'on vît les anges marcher, sinon, voler, — au lieu de les mettre en lisière dès leur entrée dans la vie. On ne traite pas les anges, ce semble, comme le commun des mortels, et ils ne vont pas loger tout droit au noble faubourg Saint-Germain : Elles savent le trait prédominant des anges : faire la volonté de Dieu, suivre sa loi et ses préceptes,
mettre à la tête des vertus la chasteté, vertu primordiale si fort exposée dans les épreuves de la vie.
C'est à sa garde surtout que les bons anges furent préposés dans leurs services envers les hommes, la chute des anges, probablement, ayant eu quelque intime rapport avec celle de la race humaine.
Les jeunes filles quittent le couvent en se jurant une amitié fidèle, et des deux anges, inégaux par leur position dans le monde, le plus puissant devra protéger l'autre comme il en était au couvent.
Ce roman, de même que le précédent, et tu peux t'en convaincre, amie, s'ouvre par un début charmant qui donnait lieu à de grands caractères, à des enseignements nouveaux : voyons si l'auteur aura tenu parole.
Mais... passons et volons à travers l'espace pour voir, à quelque temps de là, les comportements des deux anges.
Le protégé, fort dépendant, pauvre, isolé, n'ayant que sa jeunesse, a perdu, par quelques-unes de ces mille mailles du réseau dont je me plaignais, son ange protecteur. Mais, en revanche, il lui survient un beau jeune homme, adroit chasseur de gibier à tous pieds.
Il voit Zina, la pauvre fille, ange pourtant, et ne l'oublions pas.
Nous l'oublierons, hélas ! bien moins qu'elle, car sans combat, l'ange va se livrer. L'amour avait chauffé la place, je le veux bien, mais en une heure de liberté, au grand air, dans le brouillard, tomba cet ange, pour ne se relever, qui ne pleura jamais sa chute. Tout au contraire, car son amour en redoubla.
Mais de l'autre côté, il n'en fut pas de même ; et pour l'adroit chasseur qui tue la bête où il la trouve, dans le brouillard surtout, — c'est la chasse aux bécasses, — il n'avait plus rien à tuer. — Il quitte donc cet ange pour s'en aller au loin, --- Où? — C'est facile à deviner. Il va découvrir le bon ange que le petit dieu avait éloigné de Zina. L'amour est si ingénieux et l'amitié si gauche!...
Bref, il se fait aimer, il est au moment d'être heureux en possédant un nouvel ange mieux gardé que le précédent, riche, considéré, de vertu moins fragile, tous motifs pour le mieux aimer et pour que mariage s'en suive.
On allait tout droit là, — les anges après tout sont des femmes, chez nos auteurs, fort tristes de n'être pas conquises, de ne pas toucher terre, — lorsque survient Zina, la pauvre possédée, qui n'a pu vaincre son amour.
Elle retrouve son bon ange, un récit les met au courant, et les scènes les plus pathétiques se déroulent
pour le lecteur.
L'ange déchu serait vengé par le bon ange, Marguerite, qui se doute que celui qu'elle aime et qui doit être son époux, est le séducteur de Zina. —Mais la femme se doit à son roi, comme l'amitié à l'amour, et Zina n'a plus rien à faire, après toutes sortes d'adresses pour détourner les soupçons de l'amie, qu'à se chloroformer.
Elle n'y manque pas, et les anges l'emportent, et voilà le bonheur assuré pour sa compagne et l'heureux chasseur d'anges.
Je te l'ai dit, je suis impitoyable, et je n'ai garde de m'arrêter sur les scènes si dramatiques où le bon ange soupçonne la vérité, que la mort de l'autre ange empêche de paraître. Que me font des beautés secondaires, après tout, quand on y sacrifie le fond !
Ce roman ne devait pas finir ainsi; il ne devait pas suivre cette marche, et je m'étonne peu qu'une femme de goût, un auteur, l'ait presque trouvé immoral. C'est dommage, quand surtout il s'agissait d'anges.
Comme dans l'autre roman, vois-tu, la soudure est mauvaise : un auteur trahit la vertu, l'autre sacrifie
l'amitié. Il n'en a pas l'idée, il n'en connaît pas l'âme, et dès lors, pourquoi donc la peindre, et livrer un combat où elle est vaincue par avance?
Cet ange protecteur ne sut jamais aimer, aimer de soi, avec indépendance. En veux-tu la preuve? — Suis-moi.
De l'abondance du cœur la bouche parle, dit-on, et rien n'est plus certain. Aussi c'est le silence de l'ange protecteur qui sera sa condamnation.
Relis les entretiens si renouvelés et intimes de cet ange avec le chasseur, dont la main vient d'être acceptée.
Vois-tu comme l'avenir occupe Marguerite, et combien elle se complaît à en entretenir celui qui sera son époux?
De Zina... pas un mot. — Il faut bien s'en garder, c'est sur cet oubli que tout roule!
-— C'est vrai, cher romancier, mais l'oubli était impossible, sauf au crime de lèse-amitié. — Un bon ange oublier sa pupille quand l'avenir lui sourit, quand il va lui appartenir, quand le chevalier de la dame retrouverait au bout du monde les traces de la pauvre Zina?
La faible amitié de Marguerite, la faible vertu de Zina, voilà le défaut de l'œuvre. Ces personnages sont attristants, lors même qu'ils ne seraient pas des anges, ces créatures privilégiées un peu au-dessus de l'homme.
Bien au-dessous, dans le roman en question.
L'homme s'y montre toujours ce dieu de la femme, —
et même, ici, le dieu des anges, — qui donne le bonheur
partout où il se montre, et qui le donne même aux roses
du chemin que ses doigts voudront effeuiller.
Pour l'honneur et la gloire de ce dieu, quelques obs-
tacles de plus n'eussent pas été de trop du côté de Zina;
On allait tout droit là, — les anges après tout sont des femmes, chez nos auteurs, fort tristes de n'être pas conquises, de ne pas toucher terre, — lorsque survient Zina, la pauvre possédée, qui n'a pu vaincre son amour.
Elle retrouve son bon ange, un récit les met au courant, et les scènes les plus pathétiques se déroulent
pour le lecteur.
L'ange déchu serait vengé par le bon ange, Marguerite, qui se doute que celui qu'elle aime et qui doit être son époux, est le séducteur de Zina. —Mais la femme se doit à son roi, comme l'amitié à l'amour, et Zina n'a plus rien à faire, après toutes sortes d'adresses pour détourner les soupçons de l'amie, qu'à se chloroformer.
Elle n'y manque pas, et les anges l'emportent, et voilà le bonheur assuré pour sa compagne et l'heureux chasseur d'anges.
Je te l'ai dit, je suis impitoyable, et je n'ai garde de m'arrêter sur les scènes si dramatiques où le bon ange soupçonne la vérité, que la mort de l'autre ange empêche de paraître. Que me font des beautés secondaires, après tout, quand on y sacrifie le fond !
Ce roman ne devait pas finir ainsi; il ne devait pas suivre cette marche, et je m'étonne peu qu'une femme de goût, un auteur, l'ait presque trouvé immoral. C'est dommage, quand surtout il s'agissait d'anges.
Comme dans l'autre roman, vois-tu, la soudure est mauvaise : un auteur trahit la vertu, l'autre sacrifie
l'amitié. Il n'en a pas l'idée, il n'en connaît pas l'âme, et dès lors, pourquoi donc la peindre, et livrer un combat où elle est vaincue par avance?
Cet ange protecteur ne sut jamais aimer, aimer de soi, avec indépendance. En veux-tu la preuve? — Suis-moi.
De l'abondance du cœur la bouche parle, dit-on, et rien n'est plus certain. Aussi c'est le silence de l'ange protecteur qui sera sa condamnation.
Relis les entretiens si renouvelés et intimes de cet ange avec le chasseur, dont la main vient d'être acceptée.
Vois-tu comme l'avenir occupe Marguerite, et combien elle se complaît à en entretenir celui qui sera son époux?
De Zina... pas un mot. — Il faut bien s'en garder, c'est sur cet oubli que tout roule!
-— C'est vrai, cher romancier, mais l'oubli était impossible, sauf au crime de lèse-amitié. — Un bon ange oublier sa pupille quand l'avenir lui sourit, quand il va lui appartenir, quand le chevalier de la dame retrouverait au bout du monde les traces de la pauvre Zina?
La faible amitié de Marguerite, la faible vertu de Zina, voilà le défaut de l'œuvre. Ces personnages sont attristants, lors même qu'ils ne seraient pas des anges, ces créatures privilégiées un peu au-dessus de l'homme.
Bien au-dessous, dans le roman en question.
L'homme s'y montre toujours ce dieu de la femme, —
et même, ici, le dieu des anges, — qui donne le bonheur
partout où il se montre, et qui le donne même aux roses
du chemin que ses doigts voudront effeuiller.
Pour l'honneur et la gloire de ce dieu, quelques obs-
tacles de plus n'eussent pas été de trop du côté de Zina;
« A vaincre sans péril on triomphe sans gloire. »
et où est celle, dis-le moi, d'avoir su triompher d'un ange que l'auteur, pour en voir la faiblesse, eût dû comparer seulement aux prétentions du grand veneur ; — ce veneur, dont la jouissance et la vie, comme nous le rapporte l'auteur, « est de tuer tout ce qui vole et de forcer tout ce qui court. » — Or, Zina, l'ange, pour se livrer, n'a ni volé, ni couru, ni crié :
« Du temps que les bêtes parlaient, »
elles eussent tiré la morale.
Il semble que l'auteur ait voulu justifier ses exemples par cette pensée qu'on lui doit : « Les femmes s'attachent à mesure que vous vous détachez. » — Bonne recette, que justifie pleinement Zina. Elle est précieuse pour les hommes, et ceux-ci n'auront v4mais rien à craindre, jouissant d'un libre parcours qu'ils pourront goûter en tous sens et en toute sécurité.
La bonté de Zina pour son séducteur, si l'on peut donner ce nom à l'homme qui n'a pas d'autre tort que de n'être pas en droite ligne un des descendants de Joseph, — cette bonté quand même, nous rappelle celle de Raïssa et l'égale : ce sont les mêmes expressions.
« Vous avez cru que je voulais me venger, dit-elle, quand je donnerais ce qui me reste de vie et jusqu'au triste bonheur de vous avoir revu une dernière fois, pour vous éviter l'ombre d'une peine. »
Est-ce donc, chers auteurs, de cette sorte de bonté que nous avons besoin, dites-moi, et ne savons-nous pas où cette bonté de la femme la conduit? C'est l'anémie morale complète, qui fait que la femme n'est même plus la femme, mais, — et vous vous en vantez, - un chien rampant qui baise la main du maître brutal qui le frappe. C'est assez d'un type dans la création : que la femme ne lui fasse pas concurrence, de grâce !
Savez-vous bien, d'ailleurs, où se retrouvent en grande majorité ces femmes d'une telle bonté, ces anges venus au monde pour faire la sainte volonté de l'homme ? Pensez-y bien Vous y verrez force
Zina, — très peu de Raïssa, la nature se refusant, à cause du pouvoir de l'esprit, au développement de cette sorte d'hybride; -— mais, dis-je, en revanche vous y verrez toujours des anges comme ceux que vous nous dépeignez. Ils ont été menés en laisse, par celui qui se lassa d'eux, jusqu'à la porte des retraites où se trouvent les possédées.
Elles iraient, ces pauvres possédées, où bon semblerait à leurs maîtres : chez les Mormons, chez les Perfectionnistes, ailleurs. Elles seraient choses quelconques, et elles se feraient souris, si les maîtres le désiraient, pour que le chat pût les croquer, et leur procurer cette joie.
« Vous avez cru que je voulais me venger, dit-elle, quand je donnerais ce qui me reste de vie et jusqu'au triste bonheur de vous avoir revu une dernière fois, pour vous éviter l'ombre d'une peine. »
Est-ce donc, chers auteurs, de cette sorte de bonté que nous avons besoin, dites-moi, et ne savons-nous pas où cette bonté de la femme la conduit? C'est l'anémie morale complète, qui fait que la femme n'est même plus la femme, mais, — et vous vous en vantez, - un chien rampant qui baise la main du maître brutal qui le frappe. C'est assez d'un type dans la création : que la femme ne lui fasse pas concurrence, de grâce !
Savez-vous bien, d'ailleurs, où se retrouvent en grande majorité ces femmes d'une telle bonté, ces anges venus au monde pour faire la sainte volonté de l'homme ? Pensez-y bien Vous y verrez force
Zina, — très peu de Raïssa, la nature se refusant, à cause du pouvoir de l'esprit, au développement de cette sorte d'hybride; -— mais, dis-je, en revanche vous y verrez toujours des anges comme ceux que vous nous dépeignez. Ils ont été menés en laisse, par celui qui se lassa d'eux, jusqu'à la porte des retraites où se trouvent les possédées.
Elles iraient, ces pauvres possédées, où bon semblerait à leurs maîtres : chez les Mormons, chez les Perfectionnistes, ailleurs. Elles seraient choses quelconques, et elles se feraient souris, si les maîtres le désiraient, pour que le chat pût les croquer, et leur procurer cette joie.
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