Dès lors qu’on accepte qu’il n’y a pas de différence entre le corps et l’esprit, qu’il n’y a pas de pensée sans corps ni de corps sans pensée, une réflexion devient possible sur l’intelligence des corps. Le programme génétique du corps laisse une liberté aux détails de sa construction. En effet, le corps et son système nerveux central se modulent l’un l’autre dans une interaction continue avec le monde. Ce processus vital d’adaptation parachève chaque être humain dans sa singularité. - Article de Françoise Lotstra - Cahiers de psychologie clinique 1/2008 (n° 30) - www.cairn.info
Introduction.
Le corps à l’insu de la conscience ne cesse de résoudre des situations complexes. Il possède ses signaux, ses systèmes d’information et de commande. Parfois, il ouvre la voie à une possible transmission de l’indicible, l’inimaginable, l’incompréhensible, le non-symbolisable. Le corps a ses mémoires. Dès lors qu’on accepte qu’il n’y a pas de différence entre le corps et l’esprit, qu’il n’y a pas de pensée sans corps ni de corps sans pensée, une réflexion devient possible sur l’intelligence des corps.
Freja Beha Erichsen for - Vogue Italia
L’inné, l’instinct ou la mémoire génétique
Depuis William James et Carl Lange, on sait que l’expérience cognitive consciente de l’émotion suit son expression physiologique. Le corps peut réagir à une menace avant même qu’elle ait été consciemment identifiée. Joseph LeDoux a découvert les principales composantes du circuit d’une émotion particulière, la peur et a démontré le rôle majeur joué par l’amygdale, (1998). Tous les cortex sensoriels ont des connexions avec l’amygdale et celle-ci a des connexions directes avec les différentes régions de cerveau assurant l’expression de la peur. Il existe deux importants circuits de la peur : un circuit court qui passe directement du thalamus à l’amygdale et un circuit long qui interpose le cortex entre le thalamus et l’amygdale. L’analyse fine par le cortex du stimulus déclencheur de la peur qu’il soit visuel ou auditif, va maintenir ou freiner l’action de l’amygdale sur les différentes structures responsables de l’expression corporelle de la peur telle que l’accélération du pouls, la pâleur, la sudation et l’immobilisation du corps. LeDoux (1994) nous donne l’exemple du promeneur dans un bois, percevant via le relais visuel de son thalamus, l’image floue d’un bâton évocatrice d’un serpent ; le thalamus active l’amygdale qui enclenche à son tour les réactions corporelles de la peur. En outre, le thalamus envoie l’information au cortex visuel qui décrypte de façon détaillée l’image. S’il s’avère qu’il s’agit véritablement d’un serpent, le cortex visuel renforce l’activité amygdalienne et les manifestations corporelles de la peur qu’elle contrôle ; les réactions de fuite ou de défense sont mobilisées. A contrario, si le cortex visuel décode de façon précise l’image du bâton, il freine la fonction amygdalienne et toutes les expressions corporelles de la peur vont dès lors s’estomper. Il y va de la survie de l’espèce, la confusion bâton serpent est préférable à la morsure du reptile identifié avec quelques millisecondes de retard. Ainsi, la fuite erronée d’un animal lors d’une fausse alerte en absence de prédateur le prévient inévitablement de toute rencontre redoutée avec lui. Douze millisecondes sont nécessaires pour qu’une stimulation acoustique atteigne l’amygdale chez le rat ; le détour par le cortex pour analyse fine, exige le double de temps. La voie courte thalamus-amygdale permet ainsi d’assurer des réactions de survie, de fuite ou de défense dans un délai très court au détriment d’informations floues ; la voie longue thalamus-cortex-amygdale assure une perception précise du stimulus mais nécessite un prolongement du temps de réaction fatal en cas de danger. Une fraction de seconde assure la différence entre mourir et survivre. Quelques millisecondes supplémentaires seront en outre indispensables pour rendre l’événement conscient.
Les caractéristiques morphologiques propres à l’espèce et les traits comportementaux instinctifs de survie tels la recherche de nourriture, la pulsion sexuelle, le maternage, l’agressivité mais aussi la reconnaissance innée d’un prédateur ou l’enclenchement inné d’un réflexe de fuite ou de défense appartiennent à l’histoire génétique. Les prémices sont génétiques, définies par des gènes qui transmettent de génération en génération un programme de développement détenteur des instructions de forme et de fonctionnement. La suite est individuelle, inscrite dans la première, elle se traduit par un apprentissage qui, à travers des modifications de la morphologie, surtout cérébrale, permet au sujet de s’adapter épigénétiquement. « Ce processus épigénétique caractérise l’individuation, son importance culmine dans l’intelligence humaine."
Les capacités sensorielles aussi simples soient-elles nécessitent un apprentissage.
A l’époque où l’examen clinique était indispensable au diagnostic, seuls les médecins plus expérimentés, plus âgés étaient aptes à correctement palper, voir, sentir, entendre la complexité des corps. Certains étaient particulièrement doués à percevoir les contours d’un foie ou d’un rein, les bruits d’un cœur ou d’un poumon, les traces colorées du corps malade. Il est frappant de constater chez la plupart des jeunes médecins l’absence de disponibilité sensorielle à l’observation du patient. Quand on apprend à rouler à vélo, à skier, à danser, à escalader un mur ou à jouer d’un instrument de musique, on mémorise une séquence d’actions sensori-motrices dans un programme moteur élaboré grâce à la répétition. Durant la phase d’apprentissage, une attention soutenue est nécessaire pour vérifier les positions des doigts, des mains et des pieds, etc. Avec la pratique, l’habileté s’améliore, la tâche réclame de moins en moins d’efforts et les mouvements deviennent fluides, rapides et efficaces. On finit par exécuter l’action sans y réfléchir, la séquence se déroule naturellement. L’automatisation des gestes est recherchée. De manière paradoxale, une fois cette étape atteinte, des interventions de la conscience risquent plutôt de gêner l’exécution de la tâche. Voilà pourquoi les athlètes et les artistes professionnels doivent inlassablement répéter leurs mouvements, afin de gagner les précieux centièmes de seconde qui font la différence et la performance recherchée. Les automatismes peuvent atteindre des sommets de perfection et dans le cadre d’activités sportives, il n’est pas rare que l’on soit frappé chez certains champions par l’extrême contraste entre performances physiques et capacités langagières. Dans un discours dualiste inspiré de la philosophie de Descartes, on parlerait de contraste entre intelligence du corps et intelligence de l’esprit.
On ne cesse de s’étonner face aux exploits sensori-moteurs de ces corps, résultat le plus souvent d’un apprentissage fastidieux. Entre les organes et le système nerveux se met parfois en place une harmonisation fonctionnelle et esthétique étonnante. Les mains pensent leur histoire particulière écrit Prochiantz. Les corps ont en effet des mémoires. Un pianiste, un violoncelliste, un tourneur ou un bûcheron ont des mains, témoins de leur activité respective.
Dans son roman, le secret, Anna Enquist raconte l’histoire d’une pianiste accomplie et décrit l’acquisition de son expertise : l’apprentissage, la recherche du jeu parfait où l’attention consciente n’est plus nécessaire, l’union du corps et de la musique, les mains marquées par leur histoire, trahissant les heures d’étude et l’entrainement aliénant. « Commencer chaque journée par une demi-heure de technique intense, même, si le corps est encore engourdi, la tête lourde de trop de pensées. Pendant plus de cinquante ans, tous les jours, une autre tonalité du fameux cercle des quintes… Les poignets conduisent les mains dans les difficiles arpèges ; bas quand ils s’écartent du corps, hauts vers le centre, ils rivalisent en dansant pour la conquête du clavier. Toujours terminer avec les doigts, le point final de la mise en route de la machine. Le tout premier exercice de Hanon où la main se déploie tandis que le pouce retombe chaque fois un ton plus haut. Le plus élémentaire. Tous les muscles, petits et grands, sont à bonne température, tous les os sont dans le bon angle mutuel, la respiration est profonde et tranquille, le corps ne fait qu’un avec l’instrument."
L’histoire de Maria Callas est un exemple bien connu de corps maîtrisé et construit. Dans « Callas for ever », Kohly, le réalisateur du film, décrit les transformations de la cantatrice. « Callas est une héroïne dans le sens où elle s’engage absolument. Avec ce portrait de femme, j’ai voulu dégager des constantes : la volonté ou la puissance de l’esprit chez une femme qui est une suite de métamorphoses inouïes ayant forgé de toutes pièces les trois octaves de sa voix."
Les métamorphoses extrêmes des enfants danseurs de l’opéra de Pékin dont l’art méticuleux exige la soumission du corps aux exercices les plus contraignants demandent parfois de violer la nature pour obtenir la perfection. Quand ils dansent, ils semblent voler, libérés des contraintes de la pesanteur. « Une minute sur scène, dix ans de travail », répète-t-on dans les couloirs de l’opéra.
Si le plan du corps est tracé par les gènes « architectes », son développement est un processus historique marqué par l’expérience. Le programme génétique laisse une grande liberté aux détails de sa construction. « Cette liberté est due à l’invention du cerveau qui, pour ainsi dire, reste embryonnaire toute la vie et poursuit sa construction jusqu’à la mort… Cette adaptation par individuation culmine avec le cerveau humain et l’invention de la culture et du langage qui sont des instruments inouïs d’individuation par l’importance qu’ils donnent aux interactions sociales dans la construction des individus… Cette forme d’indéterminisme que certains philosophes, voire certains physiciens, appelleront peut-être liberté… je la nommerai en opposition à l’instinct, intelligence… Notre culture est là qui en témoigne."
Le corps peut devenir symptôme de la souffrance psychique. Si le concept de maladies psychosomatique a disparu des traités de psychiatrie biologique et si le nombre de maladies reconnues comme telles se réduit à une peau de chagrin vu la découverte d’une étiologie, l’effet délétère du psychisme et plus précisément du stress sur le corps est de mieux en mieux démontré. Le stress est le dénominateur commun de toute une série d’affections, il peut toucher toutes les régions du corps. Il bouleverse l’immunité, fait flamber les affections de la peau et des muqueuses, aggrave l’asthme et l’hypertension. La plupart de ces maladies somatiques sont dites aujourd’hui plurifactorielles. Si le terrain somatique sur lequel le stress s’exprime possède une importante composante génétique, l’emprise qu’il exerce sur les sujets semble dépendre de mécanismes dits épigénétiques qui par définition sont influencés par l’environnement. L’intervention d’un phénomène épigénétique associé au comportement maternel semble avoir été démontré récemment chez le rat par l’équipe de Weaver (2004). Une interaction maternelle précoce et de bonne qualité induit une série de réactions physiologiques associées à l’apaisement. De nombreux travaux en ont fait preuve tant chez l’animal que chez le jeune enfant. Chez le rat, 12 heures après la naissance, la négligence maternelle lors du toilettage de ses petits (léchage, nettoyage), engendre des ratons particulièrement anxieux en grandissant. Cette anxiété serait due à la baisse de production d’une protéine réceptrice aux glucocorticoïdes dans l’hippocampe. Rôle de cette protéine ? Exercer un frein sur une cascade de réactions délétères induites par le stress. Le promoteur du gène codant la protéine en question subirait des changements épigénétiques dans les heures suivant la naissance des ratons. Les ratons délaissés montrent d’importants taux de méthylation du promoteur, l’inverse étant constaté chez les ratons normalement dorlotés. Une hyperméthylation au niveau du promoteur d’un gène le rendant inactif, plaide en faveur d’un mécanisme épigénétique. Les modifications épigénétiques étant par définition réversibles, les chercheurs ont démontré la réversibilité du processus chez le rat devenu adulte lors de l’activation du promoteur du gène par suppression de la méthylation de son ADN (Weaver, 2006).
Déjà en 1980, Sapolsky avait démontré que l’administration prolongée de cortisol libéré lors du stress entraînait la destruction des neurones de l’hippocampe et par conséquence, une diminution de son volume. Plusieurs études d’imagerie ont montré une réduction du volume de l’hippocampe dans la dépression sévère de même que dans d’autres affections psychiatriques associées à un stress intense (Sheline, 2003). L’hippocampe freine l’axe hypothalamo-hypophysaire-surrénalien, son atteinte empêche son rétrocontrôle négatif, renforce la libération de cortisol provoquant ainsi l’accélération de la perte de ses neurones. Si on se réfère à l’empreinte laissée par des groupes méthylés sur le promoteur du gène responsable de la synthèse du récepteur aux corticoïdes au niveau de l’hippocampe de jeunes rats délaissés par leur mère, le rétrocontrôle négatif assuré par l’hippocampe pourrait être moins efficace chez les sujets ayant souffert d’un trouble de l’attachement précoce aggravant ainsi les conséquences de réactions physiologiques du stress.
L’inconscient peut aussi ravager les corps. Les manifestations théâtrales et spectaculaires de l’hystérie sont en régression. Les hystériques convulsives du temps de Charcot ont presque disparu de même que les impressionnantes conversions somatiques décrites par Babinski : paralysie, cécité, amnésie. L’hystérie évolue au fil des ans, au fil des connaissances scientifiques, elle change de forme selon le contexte culturel. Dans les pays occidentaux, elle est passée à des formes plus discrètes. Ses manifestations corporelles restent multiples : douleurs, spasmes, tremblements, troubles respiratoires et digestifs et leur décryptage n’est pas toujours aisé. Les mots donnent un sens à la souffrance et au malheur. Le corps traduit la souffrance psychique inconsciente. Des observations réalisées en imagerie fonctionnelle cérébrale révèlent des modifications d’activité au niveau des circuits de la motricité chez des sujets présentant une paralysie hystérique (Vuilleumier, 2005), modifications différentes de celles constatées chez des simulateurs (Ward et coll, 2003). Si ces observations se confirment, il s’agirait d’un bel exemple des propriétés néoténiques et plastiques du cerveau, objet d’une création morphologique permanente par l’expérience historique du sujet.
La pensée est devenue un objet d’étude de la neurobiologie. Pour la plupart des scientifiques travaillant sur l’esprit et le cerveau, le fait que l’esprit dépende étroitement du fonctionnement du cerveau ne fait plus question. Les phénomènes mentaux se révèlent dépendre intimement de l’opération de nombreux systèmes spécifiques liés à des circuits cérébraux. Cependant, la pensée n’est pas une pure fonction cérébrale. Selon Prochiantz dans son essai, Les Anatomies de la Pensée, « la pensée n’est pas déposée dans le système nerveux », mais elle est constituée par le rapport adaptatif que le corps et son système nerveux entretiennent avec le milieu. L’auteur développe l’exemple du cortex sensori-moteur, c’est-à-dire des deux zones du cortex recevant d’une part les informations sensorielles, en particulier la pression ou le toucher, et qui d’autre part, sont à l’origine des mouvements moteurs volontaires. Il convient d’abord d’appréhender la nature de ce rapport de la périphérie au centre et du centre à la périphérie, c’est-à-dire la construction de cet arc réflexe et les modifications qui ont amené à imposer l’évidence d’un cerveau entre les informations entrantes et sortantes. Les sensations tactiles proviennent de la stimulation de récepteurs sensoriels présents à la surface du corps. L’information sensorielle, transmise par les neurones, monte alors vers le thalamus et ensuite vers le cortex somatique sensoriel primaire après avoir traversé la ligne médiane pour atteindre le côté controlatéral. On sait, en effet, que le côté droit de l’organisme est représenté dans le cerveau gauche et vice-versa. Lors de la stimulation de deux points sur la main, les fibres sensorielles, en arrivant successivement au thalamus et au cortex, stimuleront deux groupes de cellules entretenant entre eux le même rapport spatial que les récepteurs sensoriels stimulés au niveau de la main. La répétition de cette stimulation à différents niveaux du corps dessine point par point au niveau du thalamus et du cortex une représentation du corps appelée homunculus électrophysiologique. Ces homunculus thalamiques et cérébraux caractérisés pour tous les vertébrés l’ont été pour l’homme, par Penfield et Rasmussen en 1952. Un autre homunculus moteur cette fois est localisé comme en miroir, de l’autre côté d’un sillon dit sulcus central. La représentation de l’homunculus de Penfield rappelle bien la morphologie corporelle bien qu’elle soit l’objet de déformations importantes : les régions à haute densité d’innervations sensorielles étant les plus représentées. Il existe ainsi au niveau du cortex sensori-moteur une représentation « point par point » de l’image du corps différente d’un sujet à l’autre (Farrell et al, 2007). A chaque sens correspond un cortex assurant la perception qui lui est propre. Les afférences visuelles, auditives et olfactives se projettent aussi sur un cortex cérébral spécifique selon des cartes correspondant point par point à la répartition des récepteurs des organes sensoriels. Que savons-nous de ces cartes cérébrales ? Leur élaboration peut durer plusieurs années. Les cartes sont sujettes à de constantes modifications qui s’appuient sur l’expérience. Elles se constituent précisément au moyen d’instructions génétiques allouant aux axones la capacité de détecter leur trajet et leurs cibles exactes, et d’informations sensorielles issues de l’environnement. Ces cartes véritables représentations de notre corps et de ses perceptions sensorielles possèdent en outre de larges possibilités de réorganisation structurelle et fonctionnelle. Un exemple est l’agrandissement de la zone corticale dévolue à la sensibilité de l’auriculaire des violonistes et ce tout particulièrement chez les jeunes possédant une pratique du violon antérieur à l’âge de 13 ans (Elbert et coll.1995). L’étendue de la représentation d’une partie du corps dans le cortex dépend donc de l’intensité et de la complexité de son utilisation. Et de telles modifications structurelles du cerveau s’opèrent plus facilement dans les premières années de la vie. « On ne pense pas seulement avec son cerveau mais aussi avec son corps… pour un pianiste ou un danseur, la main ou le pied participent de la pensée dans la mesure où l’activité sensorielle au niveau de ces organes, supérieure à ce qu’elle est chez d’autres individus, peut conduire à leur sur-représentation cérébrale au niveau sensoriel et moteur… Si le cerveau sécrète la pensée comme le foie sécrète la bile, c’est aussi parce que la pensée, comprise comme l’ensemble de nos interactions avec le monde sécrète à sa façon son cerveau. »
Pour Damasio (2003), pensées et sentiments sont des perceptions. « La base des images fondamentales du flux de l’esprit est une collection de cartes cérébrales, c’est-à-dire une collection de structures d’activité et d’inactivité neuronale dans diverses régions sensorielles. Ces cartes cérébrales représentent la structure et l’état du corps à un moment donné. Certaines cartes sont liées au monde interne, à l’intérieur de l’organisme. D’autres sont liées au monde extérieur, au monde physique des objets qui interagissent avec l’organisme dans des régions spécifiques de son enveloppe. Dans les deux cas, ce qui finit par être encarté dans les régions sensorielles du cerveau et ce qui émerge dans l’esprit, sous la forme d’une idée, correspond à une structure du corps, qui se trouve dans un état et un ensemble de circonstances particuliers. » La théorie de l’encartage ne rend pas compte de la manière dont les structures neuronales deviennent des images mentales. Elle ne représente qu’une ébauche vers la solution du problème de conscience. Les définitions biologiques de la pensée données par Prochiantz et Damasio rendent incontournables les rôles respectifs du corps et du système nerveux. En élargissant le concept, elles écartent définitivement celui selon lequel il n’existe pas de pensée sans langage.
Un dualisme tenace entre corps et pensée s’est vu conforté par de nombreux concepts philosophiques. A l’encontre de l’esprit du temps, Spinoza dans son « Ethique » énonçait : « L’esprit et le corps sont une seule et même chose ». Damasio reprend cette citation aux antipodes du dualisme cartésien lorsqu’il développe sa théorie de « l’encartages » sur les rapports du corps et de l’esprit. De même, Prochiantz faisant référence à Sade écrira : « Il n’est pas plus de pensée sans corps qu’il n’est de corps sans pensée». Le corps et le système nerveux central se modulent l’un l’autre dans un échange continu avec le monde. Ce processus vital d’adaptation construit la singularité de chaque être et met un terme à un autre dualisme, celui du corps et du cerveau.
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